Dans la vie, on a parfois besoin de convaincre les autres. Pour vendre, pour gagner en crédibilité, pour développer son leadership… Parmi tous les moyens de convaincre, je vous parle souvent de ce que l'on appelle la preuve sociale.
C'est la tendance naturelle que nous avons tous, en tant qu'êtres humains, à nous référer au comportement des autres pour agir nous-mêmes. Si nous constatons qu'une majorité de gens agit d'une certaine manière, il y a des chances pour que nous suivions le mouvement, en particulier si nous sommes dans l'incertitude...
Dans cet article, je vais vous expliquer plein de choses sur la preuve sociale, en m'appuyant sur des études réalisées par des chercheurs. Sommes-nous des moutons qui suivent le troupeau ? Pourquoi sommes-nous si sensibles à la preuve sociale ? Comment l'utiliser intelligemment sur son blog et quels sont ses dangers ? C'est parti pour un grand tour d'horizon de ce mécanisme psychologique et sociologique passionnant !
La preuve sociale, une méthode de persuasion
Dans une étude de 2001, un chercheur de l'université d'Arizona, Robert Cialdini, a identifié 6 méthodes de persuasion efficaces.
- 1. Principe de la preuve sociale - On suivra plus volontiers quelqu'un qui nous ressemble qu'une personne qui ne nous ressemble pas.
- 2. Principe d'affinité - On coopère davantage avec une personne qui nous apprécie.
- 3. Principe de réciprocité - Les gens ont tendance à nous traiter comme on les traite. Si l'on souhaite obtenir quelque chose, il est préférable de donner soi-même quelque chose.
- 4. Principe d'engagement - On tient mieux les promesses que l'on fait volontairement et que l'on exprime explicitement.
- 5. Principe d'autorité - On fait confiance aux experts.
- 6. Principe de rareté - On désire davantage ce qui existe en quantité limitée que ce qui existe "à grande échelle".
Ces méthodes de persuasion sont très souvent utilisées en marketing pour vous vendre des choses :
- On vous montre un dentiste dans une publicité pour le dentifrice car son statut d'expert est censé vous convaincre des bienfaits incroyables de ce dentifrice (après tout, si un spécialiste le dit !) ;
- On vous indique sur Amazon "Plus que 2 exemplaires en stock ! Dépêchez-vous de commander", parce que l'idée d'une rupture de stock peut pousser les hésitants à l'achat ;
- On vous informe que "98 personnes sont en train de consulter la fiche de cet établissement" sur Booking.com… pour vous rappeler que vous n'êtes pas seul au monde à envisager une réservation dans tel ou tel hébergement.
- On ajoute un bandeau sur un livre pour indiquer que c'est un "best-seller" qui a déjà convaincu plus d'un million de lecteurs.
Et cette liste pourrait continuer longtemps !
La preuve sociale est un mécanisme simple : c'est l'idée que lorsque nous nous trouvons dans une situation d'incertitude, nous allons utiliser le comportement des autres comme indice pour prendre une décision.
Pourquoi s'appuie-t-on sur le comportement des autres ?
Spontanément, nous avons tendance à croire que les autres possèdent plus de connaissances et une meilleure compréhension de la situation que nous… et c'est d'autant plus vrai quand on ne sait pas comment agir ou que penser !
L'étude de Muzafer Sherif
L'étude la plus connue sur la preuve sociale date de 1935, elle a été menée par Muzafer Sherif. Il s'est posé une question simple : comment réagit-on quand on se retrouve dans une situation où l'on n'a aucun "point de référence" pour répondre à une question ? Va-t-on répondre au hasard ou essayer, de manière rationnelle, de se créer des repères pour donner la bonne réponse ?
Le chercheur a placé chaque participant à son expérience seul dans une pièce plongée dans l'obscurité et lui a demandé de fixer un point lumineux situé à 4-5 mètres de lui. Ce genre de situation donne l'impression que le point lumineux bouge alors que ce n'est pas le cas en réalité. Sherif a pourtant demandé aux participants d'estimer le mouvement du point lumineux, en centimètres.
Un peu plus tard, il a convoqué à nouveau les participants… mais cette fois-ci, il a formé des groupes de trois. Chacun devait annoncer son estimation à voix haute. Au fil du temps, il est apparu que le groupe parvenait à un consensus sur le mouvement du point lumineux même si, au départ, les estimations individuelles étaient différentes les unes des autres.
Plus fascinant encore, si on mettait à nouveau les participants seuls face au point lumineux, ils maintenaient l'estimation "du groupe"... même s'ils n'en faisaient plus partie.
Sherif a alors conclu que les participants avaient construit un "référentiel commun". En l'absence d'éléments objectifs pour évaluer le mouvement du point lumineux, ils se sont tous appuyés les uns sur les autres pour parvenir à un consensus.
La preuve sociale, une aide dans les situations du quotidien
La preuve sociale peut avoir un rôle très positif en société, quand on ne sait pas quelle attitude adopter et que l'on ne veut pas se sentir complètement en décalage avec les autres.
Par exemple, si vous arrivez dans une nouvelle entreprise et que vous constatez que tout le monde se tutoie et s'habille de manière décontractée, vous allez vous adapter en regardant ce que font les autres.
La preuve sociale a donc une fonction utile pour s'intégrer et décider de la meilleure façon d'agir.
Alors évidemment, les pros du marketing l'ont vite compris… bien avant l'ère du web ! A partir du 18e-19e siècle, en France, on a par exemple commencé à structurer la claque dans les théâtres puis à l'opéra. Les directeurs embauchaient des "claqueurs" professionnels… dont la mission était de réagir à certains moments stratégiques d'une pièce, pour pousser le public à faire de même. Les commissaires le faisaient en interpellant leurs voisins sur les temps forts, les rieurs s'esclaffaient au moindre trait d'humour, les pleureurs essuyaient des larmes quand l'intrigue se faisait émouvante…
Plus tard, on a retrouvé le même principe dans certaines sitcoms, avec des rires préenregistrés ajoutés à la bande son… Même si ça semble parfaitement stupide voire agaçant pour le spectateur, une étude (encore une fois signée Robert Cialdini) a montré qu'une série incluant ce type de rires était jugée plus drôle qu'une autre.
5 façons d'utiliser la preuve sociale pour convaincre
La preuve sociale est présente partout sur le web, à travers une foule d'éléments qui nous aiguillent, de façon plus ou moins subtile, dans nos décisions et dans nos jugements. Voici quelques exemples.
Les avis en ligne
Dès 2004, un chercheur s'est amusé à comparer les réactions des gens face à un livre. Certains participants à l'étude entendaient 5 critiques positives prononcées par une même voix, d'autres 5 critiques positives prononcées par 5 voix différentes.
Il s'est avéré que la présence de "sources multiples" avait plus d'impact. 5 avis valaient mieux qu'un !
Mettre en avant des avis sur son site peut être, si ceux-ci sont positifs, un excellent argument pour convaincre. Si les avis sont, en plus, agrémentés de photos, cela renforce en général leur pouvoir de persuasion.
Des sites comme l'animalerie en ligne Zooplus permettent d'ailleurs aux clients de publier leurs propres photos, un gage de crédibilité supplémentaire car ces clichés confirment qu'il s'agit de "vrais utilisateurs des produits".
Les commentaires
Permettre aux internautes de laisser des commentaires peut aussi jouer sur la preuve sociale, que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur le site lui-même. Le principe est simple : si les gens réagissent au post, c'est qu'il doit être intéressant… Ça encourage souvent le débat !
J'ai vécu un exemple très parlant sur mon blog voyage. J'avais publié un article sur le fait d'assister à un procès au tribunal. Pendant plus de 5 mois, il est resté sans recevoir aucun commentaire… jusqu'au jour où un internaute s'est lancé. Son message a "ouvert la voie" à d'autres personnes qui, voyant un commentaire, se sont senties libres de poser leurs propres questions. L'article comporte aujourd'hui 68 commentaires.
Les chiffres
Afficher publiquement un nombre d'abonnés, de commentaires, d'articles permet souvent de gagner en crédibilité. La preuve sociale fonctionne là encore de manière très simple : "S'il y a beaucoup de gens qui aiment cette page, c'est qu'elle doit être qualitative". "Si ce blog a publié beaucoup d'articles, c'est qu'il doit avoir bâti un contenu riche et intéressant".
C'est pour cette raison qu'il est parfois très pertinent de faire une campagne de publicité Facebook pour lancer sa page : ce coup de pouce pour gagner ses premiers abonnés déclenche souvent un mécanisme d'entraînement, qui pousse d'autres personnes à aimer la page.
Témoignages et études de cas
Si vous proposez un produit ou un service, les témoignages d'utilisateurs/de clients peuvent jouer un rôle de persuasion important.
Imaginez un prospect indécis face à votre offre : si vous lui donnez l'opportunité de lire le témoignage de gens que vous avez aidés, de situations où votre produit/service a été utile, c'est une véritable aide pour prendre une décision, à plus forte raison si le "témoin" lui ressemble (même problématique, même secteur d'activité...).
Il n'est pas toujours facile d'avoir ce type d'avis à disposition quand on lance son activité… mais l'on peut déjà mettre en valeur les avis de son cercle proche sur les projets que l'on a menés (bénévolement ou à petit prix). Par exemple, si vous vous lancez dans la création de site web, vous pouvez très bien valoriser le témoignage de Tata Jocelyne, dont vous avez créé le site pour son cabinet d'orthodontie.
Les cautions prestigieuses
Être cité par un média ou avoir gagné un prix peut aussi agir comme une forme de preuve sociale : on vous a "reconnu" comme digne d'intérêt… c'est donc que vous devez l'être !
Évidemment, vous serez d'autant plus crédible si vous incluez un lien vers les articles qui ont parlé de vous… car après tout, n'importe qui pourrait poster quelques logos en vrac sur sa page.
La preuve sociale est-elle toujours efficace ?
A mon sens, la preuve sociale n'échappe pas au risque classique inhérent à toute stratégie marketing : bien utilisée, c'est innovant et efficace ; répété partout, tout le temps et sans subtilité, ça devient moins percutant et plus agaçant pour les gens !
Plus les messages de preuve sociale sont génériques, moins ils ont d'impact… car comme je le disais en début d'article, on se laisse surtout influencer par des gens qui nous ressemblent. Un commentaire très générique ("Super article", "Super service") est tellement vague qu'il aura moins d'impact qu'un message plus approfondi… même si, au final, ce message est plus ciblé et ne touchera pas tous les internautes.
D'ailleurs, les sites qui matraquent de la preuve sociale 15 fois dans une même page risquent d'éveiller votre inquiétude : s'agit-il de charlatans ? De marchands de tapis ? Peut-on faire confiance à quelqu'un qui essaie à ce point de vous convaincre ?
Au-delà de cet aspect, il est aussi prouvé que la preuve sociale est moins efficace face à une personne bien informée. Quand quelqu'un est plus expert que la moyenne sur un sujet ou sur une situation, il est naturellement moins sensible aux arguments qui évoquent le comportement de la majorité.
La majorité n'a pas toujours raison… et suivre le comportement ou l'avis général n'est pas toujours le gage d'une bonne décision.
Par ailleurs, mal utilisée, la preuve sociale peut devenir contre-productive… en particulier si vous publiez une "preuve sociale négative". Par exemple : "90% des nouveaux blogueurs abandonnent dans les 6 premiers mois. Ne faites pas comme eux" risque au contraire de pousser les indécis à l'abandon au lieu de les encourager à continuer.
En résumé, la preuve sociale est une tendance naturelle, que l'on peut utiliser à bon escient pour mieux convaincre... à condition de le faire avec parcimonie et prudence !
J’aime beaucoup vos articles.
Pourquoi ne pas reprendre vos articles dans des petits livres numériques que l’on pourrait relire dans sa bibliothèque, certains gratuits d’autres payants. Je trouve dommage que certains articles ou photos (en ce qui me concerne) soit au bout de quelques années perdus alors que pour ma part quand l’inspiration me manque j’aime me replonger dans des livres que j’ai aimés ou des livres de déco même s’ils ont 20 ans, j’ai une étincelle et hop l’inspiration alors que sur internet c’est très difficile de faire le tri au milieu des millions de choses qui sont publiées.
Tout cela pour vous dire merci pour vos articles et bon courage
Hello Cassandre, je comprends tout à fait ce besoin mais sur un blog traitant de web, les contenus se démodent extrêmement vite, il faudrait mettre à jour un support papier de plusieurs milliers de pages en continu… ce qui est littéralement impossible :) En revanche, je n’exclus pas de le faire un jour pour des contenus moins soumis à cette péremption.
Très bel article éclairant sur la preuve sociale. Je l’utilise effectivement sur mon blog, pour le nombre d’abonnés, le nombre de commentaires et d »articles publiés. J’aime les chiffres :)
En tant que lectrice, j’avoue que j’aime bien pouvoir faire une photographie de la « visibilité » d’un blog, parce que ça fait en quelque sorte partie de sa carte d’identité : suscite-t-il beaucoup d’engagement, a-t-il une « longue histoire » ou vient-il d’être créé ? Bien sûr, on peut avoir un jeune blog très qualitatif (et avant d’avoir un vieux blog qualitatif, on a souvent eu un jeune blog qualitatif !) donc je ne l’interprète pas comme un « critère de succès » mais plutôt comme un élément d’identité.
Merci Marlène pour ta réponse détaillée. Oui la preuve sociale est aussi un élément d’identité. Par exemple, lorsque je commande sur Amazon, j’aime bien regarder les avis des acheteurs et le nombre d’avis qu’à l’article. ça m’incite plus à l’acheter.
Ça montre aussi tout le danger que représentent les faux avis, j’en parlais récemment avec le vétérinaire de mon chat qui a un cabinet très populaire et est régulièrement victime de « campagnes de faux avis négatifs » par un concurrent.