De plus en plus de marques envisagent de travailler avec des influenceurs. Parce qu'ils ont un pouvoir de prescription auprès de leur communauté, parce que cette stratégie permet d'élargir son public cible à des personnes qui consomment peu les médias traditionnels, parce que ça coûte moins cher qu'une campagne de publicité classique pour une visibilité parfois bien meilleure, parce que la recommandation d'un blogueur a beaucoup plus de poids qu'une banale publicité… sans compter ce qu'une telle collaboration peut apporter d'un point de vue business ou encore référencement.
Mais évidemment, cela confronte les marques à une question : comment savoir si un blog est populaire quand on veut travailler avec des influenceurs ou que l'on est démarché par des blogueurs ? Comment évaluer si la personne a réellement le trafic ou l'influence qu'elle affirme avoir ?
C'est une étape indispensable pour éviter de se limiter à un simple chiffre, d'être déçu par le résultat d'une collaboration ou de se laisser berner par un discours plein de paillettes alors que d'autres influenceurs plus discrets mériteraient toute votre attention !
J'ai déjà évoqué les partenariats entre blogueurs et marques plutôt du point de vue des blogueurs. Aujourd'hui, nous allons nous placer côté marque !
Travailler avec des influenceurs n'est pas un objectif
Avant toute chose, il me paraît important de définir un objectif… et travailler avec des influenceurs n'en est pas un.
Concevoir son objectif
Une marque qui souhaite collaborer avec des blogueurs peut par exemple désirer...
- Améliorer sa notoriété.
- Développer ses ventes.
- Augmenter son nombre d'abonnés sur les réseaux sociaux.
- Améliorer son référencement.
- Accroître son trafic.
- Sculpter son image en se positionnant auprès d'une certaine cible.
N'oubliez pas aussi de préciser le périmètre de votre objectif : par exemple, on peut vouloir "augmenter les ventes d'un nouveau sac à main fabriqué en France"… ou "se faire connaître auprès d'une cible masculine CSP+ qui apprécie la navigation de plaisance".
Si cet objectif de départ n'est pas clair, on risque de se focaliser sur les mauvais indicateurs de performance… ou de cibler les mauvaises personnes pour une collaboration. Ça débouche sur beaucoup de déception, à la fois pour la marque (qui a l'impression d'avoir investi sans résultat probant) et pour le blogueur (qui ne comprend pas la démarche de la marque).
Définir des KPI
En fonction de votre objectif, vous pouvez ensuite réfléchir aux indicateurs de performance les plus pertinents à rechercher chez un blog partenaire.
Par exemple :
- Pour améliorer sa notoriété, on recherchera un blogueur ayant une thématique pertinente et un lectorat important (trafic élevé).
- Pour développer ses ventes, on recherchera un blogueur qui suscite de l'engagement (commentaires, etc) et, mieux encore, un engagement qui traduit son pouvoir de recommandation auprès de sa communauté.
- Pour gagner des abonnés sur les réseaux sociaux, on pourra rechercher un blogueur qui a un nombre d'abonnés important, un bon taux d'engagement sur les réseaux sociaux et éventuellement qui organise des concours de temps à autre.
- Pour améliorer son référencement, on peut évaluer si le blog est bien positionné sur des mots-clés stratégiques, s'il possède un bon trust flow/citation flow et un bon domain authority.
- Pour accroître son trafic, on peut viser un blog qui génère lui-même un trafic important et sera donc susceptible d'en renvoyer une partie vers le site de la marque.
- Pour se positionner auprès d'une certaine cible, on peut identifier les influenceurs qui publient régulièrement un type de contenu précis.
Cibler des influenceurs
C'est un sujet à part entière qui mériterait un article dédié, car il y a beaucoup de méthodes.
Passer une petite annonce sur un groupe Facebook dédié, comme Offres de partenariat pour blogueurs, puis examiner les candidatures.
Lancer une campagne en passant par une plateforme spécialisée dans les relations influenceurs (type Hivency, Influence4You, Octoly) ou une plateforme plus axée référencement (type Getfluence ou Rocketlinks).
Puiser dans sa propre base de contacts, à partir des gens qui vous ont démarché ou de ceux que vous avez identifiés au fil de vos actions de communication (personnes qui postent régulièrement sur vos sujets, etc).
Faire une recherche sur Google ou sur les réseaux sociaux pour cibler des blogs visibles sur un sujet précis.
Utiliser un outil d'écoute sociale comme Synthesio. Il permet de faire de la veille sur un sujet ou sur un nom de marque, et permet par exemple de faire émerger les top influenceurs (réseaux sociaux, blogs, médias) sur un sujet donné et une période donnée.
Synthesio offre beauuuucoup plus de fonctionnalités mais celle-ci est particulièrement utile pour identifier les personnes clés sur une thématique. Par exemple, sur la thématique du "voyage solo", il peut me sortir des top influenceurs sur une certaine période, avec un aperçu de leur présence et de leur activité sur différents réseaux, ici sur Twitter par exemple :
Comment savoir si un blog est populaire ?
La notion de popularité est très vaste. Est-on populaire en étant lu, connu, en faisant réagir les autres, en ayant un statut de référence sur un sujet donné ? C'est souvent un mélange de tout ça… et quand une marque décide de travailler avec des influenceurs, elle choisit souvent de donner du poids à tel ou tel critère en fonction des objectifs de sa campagne.
Votre ressenti, point de départ de toute collaboration
Tout part bien souvent de là ! Avant de chercher à savoir si un blog est populaire, visitez des sites et repérez, à l'instinct, les univers qui vous "parlent", qui semblent en phase avec votre vision, vos valeurs…
Il est souvent préférable de travailler avec des influenceurs ayant une communauté plus petite mais parfaitement en phase avec vous, que de diffuser son message auprès d'une cible plus grande mais moins concernée.
Le ressenti est donc primordial : le blogueur a-t-il un ton qui vous plaît ? Son blog est-il riche, intéressant, cohérent ? Est-ce qu'on sent qu'il y a du travail derrière ?
C'est le meilleur moyen de prendre contact en adoptant une approche personnalisée. C'est l'une des clés d'un échange réussi avec un influenceur !
Bien souvent, le ressenti ne suffit pas car derrière une campagne, il y a des budgets, des chiffres… et donc un besoin de légitimer ses actions par des données plus quantitatives.
Évaluer la portée du blog
Souvent, il existe un enjeu de visibilité, en recherchant un blogueur qui ait une certaine résonance auprès d'une communauté, avec du trafic et des abonnés. Mais comment évaluer ce trafic ? Comment être sûr que la personne qui affirme avoir 50000 visiteurs en a réellement 50000… et pas 500 ?
J'ai donné dans cet article des pistes pour connaître le trafic d'un site… Si vous avez besoin de justifications plus poussées, vous pouvez demander aux quelques blogueurs que vous avez ciblés de vous donner accès à leurs statistiques Google Analytics, de manière ponctuelle. L'outil permet en effet d'accorder des permissions pour autoriser des tiers à consulter les données.
Mise en garde : ce n'est pas du tout une pratique courante, en France en tout cas, et cela peut clairement être mal perçu.
Il faut simplement se rendre dans l'administration de Google Analytics, puis dans "Gestion des utilisateurs" au niveau de la vue à laquelle on souhaite donner accès (colonne de droite).
Il est ensuite possible, en cliquant sur le bouton "+", d'ajouter un utilisateur en entrant son adresse e-mail, en lui accordant la permission "Lire et analyser".
On m'a déjà demandé ce type d'accès (notamment des agences étrangères sur mon blog voyage). Je l'ai davantage vu comme une quête de transparence : pour moi, l'occasion de légitimer mes propos ; pour l'agence, un moyen d'avoir un panorama du site (trafic, top contenus, sources de trafic, etc). Mais je conçois que ça puisse déranger, surtout si la demande est "disproportionnée" par rapport aux enjeux de la campagne.
En complément, vous pouvez également regarder le nombre d'abonnés sur les réseaux sociaux liés au blog… ce qui nous amène à un autre point clé !
Détecter l'achat de fans et le faux trafic
Malheureusement, beaucoup de professionnels se limitent aujourd'hui à regarder un chiffre. Tiens, l'influenceur X a 100000 abonnés sur Instagram ! Or, BEAUCOUP de gens passent aujourd'hui par des méthodes artificielles pour accroître leur base de fans, en particulier l'achat de fans.
Là encore, ça pourrait faire l'objet d'un article à part entière… mais il y a un site bien pratique pour détecter les pics de croissance anormaux : Socialblade.
On y entre le nom d'utilisateur d'un influenceur sur Instagram, Facebook, YouTube, Twitter ou encore Twitch… et on regarde le profil de croissance de son compte. Sur un compte "normal", sain, sans triche, ce profil est généralement plutôt régulier.
Sur un compte qui achète des abonnés, on constate des "paliers" avec une hausse brutale du nombre de followers, souvent par chiffre plus ou moins "rond", par exemple +5000 followers environ sur une journée alors que le rythme de croissance habituel du compte est de +200 followers par jour...
Attention cependant à l'interprétation sur un petit compte : un blogueur qui a ponctuellement mis en avant son compte Instagram dans un article, sur un autre réseau social ou dans sa newsletter peut aussi connaître un palier brutal, sans pour autant que ce soit de l'achat de fans. Il faut donc regarder le compte dans sa globalité… et le caractère récurrent ou non des "anomalies".
Par ailleurs, on peut aussi adopter une certaine tolérance. Un blogueur peut avoir fait l'erreur d'acheter des fans par le passé, pour tester par "effet de mode"... et ce serait dommage que ça porte préjudice à long terme à des personnes qui, au final, sont revenues à un mode d'acquisition plus honnête !
De la même manière qu'il existe des faux abonnés sur les réseaux sociaux, il peut exister du faux trafic sur les sites web, généré par des robots ou autres systèmes artificiels.
Si vous avez accès aux statistiques Analytics du blog, c'est quelque chose que vous pouvez essayer de détecter en regardant des données comme…
- La provenance des visiteurs - Leur pays d'origine ou leur langage est-il cohérent avec la cible et la langue du site ? Si 95% du trafic provient de Russie, de Chine, du Bangladesh ou autre alors que le site est en français pour un public francophone, c'est étrange !
- Le comportement des utilisateurs - Si la durée moyenne des sessions est inférieure à 30 secondes sur l'ensemble du site ou que le nombre de pages vues moyen par session est vraiment très faible, ce n'est pas bon signe.
Connaître l'engagement suscité
Selon les objectifs de la campagne, il peut être pertinent de s'intéresser à l'engagement que suscite le blogueur : a-t-il plutôt un lectorat qui vient pour des informations ou une "communauté" qui discute et échange avec lui ?
Vous pouvez pour ce faire regarder…
- Si le blog reçoit des commentaires : les articles poussent-ils les lecteurs à poster des réactions, que ce soit sur le blog lui-même ou sur les réseaux sociaux ?
- Si les commentaires sont qualitatifs : est-ce que les lecteurs ou abonnés se contentent d'un "Super article/post" ou est-ce qu'il y a des échanges constructifs ?
- Si les commentaires traduisent une incitation à l'action : sur les réseaux sociaux, il est particulièrement flagrant que certains influenceurs sont capables de pousser leur communauté à l'action, qu'il s'agisse de s'inspirer d'un look, de s'inscrire à une newsletter. Voici un exemple avec Emilie (@emiliebrunette) dont les posts poussent aussitôt les internautes à réagir aux vêtements qu'elle porte.
Sur un blog, il suffit d'observer les commentaires sur les articles… et de regarder si les derniers commentaires reçus sont récents (ce qui est facile si le blog comporte un widget "Derniers commentaires" !). Vous pouvez également observer d'autres indicateurs d'engagement si vous avez accès à Google Analytics : le temps passé sur les contenus, le pourcentage de visiteurs fidèles par opposition à ceux qui découvrent le blog pour la première fois...
Sur les réseaux sociaux, vous pouvez regarder l'engagement sur un échantillon des derniers statuts, ou utiliser encore une fois SocialBlade qui estime l'engagement.
Savoir si un blog est bien référencé
Si votre objectif est le référencement, vous devez déterminer si les blogs ciblés ont une bonne "autorité" aux yeux des moteurs de recherche… et si le blogueur est capable de positionner un article grâce à une maîtrise de la rédaction web. En effet, certains ont une très jolie plume, une communauté engagée… mais pas forcément beaucoup de poids en SEO.
Vous pouvez prendre appui sur 3 sources :
- Le domain authority du blog (à obtenir sur Link Explorer de Moz) - Cet indicateur suit une échelle logarithmique entre 0 et 100 (autrement dit, plus facile de passer de 0 à 10 que de 30 à 35 !) et vise à prédire la capacité d'un site à devancer ses concurrents sur sa thématique. On cible généralement en SEO les sites ayant un domain authority supérieur à 30 quand on souhaite obtenir des liens qualitatifs.
- Le trust flow et le citation flow (à obtenir chez Majestic) - Ces indicateurs font référence, respectivement, à la qualité des liens que reçoit un site et à leur nombre. Le site est-il cité par des sources reconnues et diverses… ou par des sites de piètre qualité ? On regarde surtout le ratio entre les deux (Trust Flow / Citation Flow). Plus le ratio est élevé, plus le profil du site est qualitatif (lire cet article de Majestic pour en savoir plus).
- Le positionnement actuel du site - Un outil SEO comme SEMrush peut vous donner un aperçu des positionnements du site : parvient-il à ressortir sur des mots-clés pertinents sur les moteurs de recherche ?
Évaluer si un blog est perçu comme une référence
Vous pouvez là encore vous appuyer sur des indicateurs comme le domain authority et le trust flow/citation flow car ils donnent une idée de la propension d'un blog à être cité par d'autres, ce qui est un premier signe d'influence !
Si vous avez des outils à portée de main, vous pouvez aussi vous servir d'un outil comme Ahrefs pour regarder les liens que reçoit le blog dans le détail : est-il cité par des médias, par exemple ?
Si vous avez accès à Google Analytics, vous pouvez jeter un oeil à la rubrique Acquisition > Tout le trafic > Sites référents… pour voir quels sites envoient du trafic au blog.
Du côté des réseaux sociaux, une simple recherche sur Facebook ou Twitter peut par exemple vous montrer si un site est beaucoup mentionné ou si ses contenus sont beaucoup relayés, en public du moins.
Estimer la qualité des prises de parole
Enfin, je vous conseille de jeter un œil à ce que j'appelle la "qualité des prises de parole". C'est d'abord l'attitude, la posture qu'adopte le blogueur : est-ce une personne qui se place dans une posture accessible, qui répond aux questions de ses lecteurs ? Est-ce quelqu'un qui partage des informations utiles ?
C'est aussi la part de contenus "commerciaux ou publicitaires" publiés (que ce soit sponsorisé ou pas) et leur nature. Quand je cherche à travailler avec des influenceurs dans un cadre professionnel, je tombe régulièrement sur des sites qui postent du contenu commercial "dans tous les sens" en cherchant un vague fil conducteur à chaque fois pour justifier de faire la promotion de produits qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres.
Un article sur le lait pour bébés va côtoyer un article sur les garagistes "parce que lorsque l'on a des enfants, c'est important de faire attention à sa voiture" puis on va présenter un aquarium "parce qu'avoir des poissons peut être très éducatif pour les enfants"...
A vous de voir si cette approche vous dérange mais pour ma part, j'ai tendance à penser qu'une campagne est bien plus efficace si le blogueur garde une certaine cohérence dans ce qu'il met en avant…
Pourquoi vouloir savoir si un blog est populaire ?
Au fond, le but de cet article est de vous donner quelques clés pour travailler avec des influenceurs en apprenant à identifier non pas les gros comptes mais les gens qui comptent.
On sait, d'une part, qu'il faut souvent mettre des chiffres sur une campagne d'influence pour pouvoir faire du reporting, évaluer un ROI, rendre des comptes à son boss (hum), etc. Et d'autre part, il ne faut pas se laisser berner par le seul chiffre.
A l'heure des faux abonnés, du faux trafic, des sites créés par des personnes attirées par la perspective de partenariats faciles, il me semble primordial de cibler de vrais influenceurs, des gens qui consacrent beaucoup d'énergie à alimenter un (ou des) support(s) pour le plaisir de leur communauté.
Ils peuvent avoir des profils différents, des talents différents, savoir bien référencer un article mais aussi savoir créer du lien, encourager, inspirer… et à chaque objectif peut finalement correspondre des profils intéressants, pour peu que l'on se donne la peine de les chercher !
Tu sais, j’ai plutôt tendance à suivre tous tes conseils pour rendre un blog qualitatif, je privilégie vraiment les articles longs et de haute qualité, soignés et détaillés, humains, etc…
Je fais rarement de backlinks et articles invités comme toi. Et ça marche : mon blog est bien référencé et je suis souvent dans les 1ères pages Google pour mes articles.
MAIS quand je vais aller voir ça dans les outils statistiques Majestic et Moz, c’est la douche froide. J’ai un score de domaine d’autorité faible, je le compare à d’autres de mes sites beaucoup moins fréquentés et moins qualitatifs qui ont pourtant un score plus élevé (mais j’ai peut-être plus de backlinks cela dit).
Y a des débutants blogueurs qui trichent et mettent le paquet sur les backlinks et articles invités eux ont déjà un bon score de domaine d’autorité, plus élevé que le mien alors que mon blog date de cinq ans et une référence dans ma thématique.
Tu vois, j’ai parfois des doutes sur la fiabilité de ces outils stats, Majestic, etc… C’est pourquoi j’espère que les agences et les personnes savent faire preuve de lucidité et ne se cantonnent pas seulement à ces outils pour juger. :-p
Comme je l’explique dans l’article, toutes les campagnes sont loin d’avoir le même objectif. Les scores fournis par Majestic et Moz servent avant tout en SEO, en complément d’autres indicateurs (qualité de l’écriture, éventuel référencement existant sur certains sujets). Mais ce n’est pas du tout le seul objectif de campagne et à vrai dire, j’ai le sentiment que beaucoup de marques recherchent aujourd’hui plutôt de la visibilité, de la notoriété et une amélioration de leur image en engageant ce type de collaboration. Il y a de la place pour beaucoup de profils différents.
Il y a toujours des gens qui se limiteront à regarder un chiffre (que ce soit un score SEO, un nombre d’abonnés, etc)… mais c’est le jeu sur ce « marché » malheureusement ! Certains acceptent peu à peu d’élargir leur vision, d’autres pas :)