Auto entrepreneur et revenus irréguliers : comment gérer l’instabilité financière ?


La pandémie de coronavirus rappelle hélas une réalité : les indépendants sont particulièrement vulnérables aux difficultés financières. Auto-entrepreneur et revenus irréguliers vont souvent de pair, et c'est un aspect de l'entrepreneuriat qu'il faut apprivoiser.

On perçoit parfois ce statut uniquement sous son angle le plus positif : faire un métier passion, se libérer de certaines contraintes d'emploi du temps associées au salariat, avoir - dans le meilleur des cas - la liberté de choisir ses missions et d'organiser soi-même son planning... Il est toutefois important de ne pas négliger l'aspect financier, si important pour s'épanouir dans son activité et envisager l'avenir avec confiance.

Comment mieux gérer cette instabilité financière ? Quelles mesures prendre pour protéger ses finances, anticiper les baisses de revenus et les mois où le salaire est bas ? Je vous propose quelques conseils dans cet article.

#1 - Faites un budget

Quand est auto entrepreneur avec des revenus irréguliers, il s'agit de distinguer le "revenu irrégulier qui vous oblige à faire plus attention" du "revenu irrégulier qui vous empêche de payer le loyer". Le premier est frustrant, le deuxième dangereux pour votre équilibre et votre épanouissement.

Alors, si vous ne le faites pas déjà, créez un budget.

Vous y noterez d'abord les frais fixes, incompressibles, par exemple :

  • Le loyer ou le crédit immobilier.
  • Les impôts (taxe d'habitation, taxe foncière, acomptes sur les revenus à verser).
  • Votre abonnement Internet et téléphone.
  • Vos assurances (habitation, auto, professionnelle).
  • Vos dépenses d'énergie (eau, électricité, gaz).
  • Vos dépenses de transports (carte de transport, frais liés à une voiture).
  • Un budget nourriture minimum avec lequel vous espérez pouvoir manger correctement.
  • Vos frais liés à vos enfants si vous en avez.
  • Vos dépenses liées à un animal domestique si vous en avez un.
  • Vos frais de santé fixes (par exemple, une mutuelle, une visite de contrôle annuelle chez le dentiste, le gynéco ou autre).

Selon votre activité, la mensualisation des factures peut être plus rassurante que de payer "d'un seul coup".

Ensuite, vous pouvez ajouter à votre budget une estimation des frais variables prévisibles. Par exemple, anticiper les cadeaux d'anniversaire ou les cadeaux de Noël de vos proches, un rendez-vous chez le coiffeur de temps en temps, un budget vacances, un budget rentrée scolaire si vous avez des enfants, des vêtements...

A quoi sert donc cet exercice ? Faire un budget vous permet de mieux visualiser de quelle somme vous avez besoin à chaque période de l'année. Ça vous donne aussi une vision de combien vous dépensez et quand. Un bon moyen de prendre le contrôle de ses finances et de trouver un juste équilibre entre dépenses indispensables, dépenses "plaisir" et épargne.

Faire un budget, un moyen de lutter contre l'instabilité financière
Faire un budget, un moyen de lutter contre l'instabilité financière

#2 - Suivez bien votre facturation pour anticiper les revenus irréguliers

Être entrepreneur implique un minimum de rigueur (j'aurais même tendance à dire "un maximum"), en particulier quand il s'agit d'administratif et de comptabilité ! Au-delà du fait de penser à déclarer ses revenus au bon moment, à payer ses charges et autres joies de l'indépendance, une bonne gestion de la facturation permet de mieux piloter son activité.

Vous pouvez ainsi voir...

  • Combien vous gagnez par mois, ce qui est payé, ce qui ne l'est pas encore et ce qui devrait l'être.
  • Comprendre s'il y a une saisonnalité dans votre activité. Pratique pour anticiper des périodes creuses ou des périodes chargées, et s'organiser en conséquence.
  • Voir si votre petite entreprise est en croissance par rapport à l'année précédente.
  • Identifier les clients qui vous paient bien et les mauvais payeurs avec qui vous éviterez de collaborer à l'avenir.
  • Établir qui sont vos clients les plus rentables... et les moins rentables (vous savez, ce client qui a des exigences démesurées, dans un délai réduit au strict minimum, alors qu'il est celui dont la prestation coûte le moins cher). Pour votre bien-être et celui de votre activité, il est parfois utile de se séparer d'un client.
  • Déterminer s'il est nécessaire de refaire de la prospection, et quelle visibilité vous avez sur les revenus des mois à venir. Revenus irréguliers ne veut pas dire qu'il soit impossible de prévoir quoi que ce soit !

Ce sont quelques exemples mais une bonne gestion de vos sources de revenus permet souvent de réduire le sentiment d'instabilité financière.

#3 - Couvrez-vous juridiquement à chaque mission

Le pire ennemi de l'indépendant est souvent le mauvais payeur, celui qu'il faut relancer 20 fois pour toucher sa rémunération et qui a toujours une bonne excuse pour être en retard. C'est souvent l'une des premières sources de revenus irréguliers : le paiement qui devait tomber ne tombe pas... ou pas à la date prévue.

On n'empêchera jamais le manque de professionnalisme de certaines personnes... mais on peut a minima chercher à se protéger pour pouvoir faire valoir ses droits plus facilement.

Le contrat, un atout pour rester fort face aux mauvais clients
Le contrat, un atout pour rester fort face aux mauvais clients

Faites en sorte d'avoir un modèle de contrat prêt à l'emploi pour les prestations que vous réalisez, qui cadre bien leur périmètre :

  • L'identité des "contractants".
  • Durée de la mission ou deadlines.
  • Détails de la mission à réaliser.
  • La rémunération prévue et les modalités de paiement (une ou plusieurs échéances, versement d'un acompte, pénalités en cas de retard de paiement).
  • Les modalités de rupture ou de résiliation du contrat : le contrat prend-il fin "naturellement" ou peut-il être reconduit ? Que se passe-t-il si l'une des parties souhaite mettre un terme au contrat ? Quelles sont les conditions (en matière de délai, de paiement, de formalités à accomplir) ?
  • Les obligations de chaque partie : par exemple, quand on vend un service, on a souvent une obligation de moyens mais pas de résultats. Autrement dit, on "fait tout pour que ça marche" mais on ne peut pas s'engager sur le résultat. Par exemple, en référencement, on peut aider un client au maximum de ses capacités mais on ne peut pas lui garantir qu'il sera "n°1 de Google" sur les mots-clés qui l'intéressent.

Lorsque vous vous lancez en auto-entrepreneur, investir dans la création d'un contrat solide me paraît indispensable, des sociétés comme Captain Contrat proposent de rédiger avec l'appui d'un avocat de nombreux types de contrats, à des tarifs assez raisonnables pour un indépendant.

En cas d'impayé, vous aurez recours dans un premier temps à une tentative d'arrangement à l'amiable (en appelant votre interlocuteur, en envoyant des lettres de relance puis une mise en demeure si les choses ne bougent pas)... et si vraiment cela ne débouche sur rien, votre contrat signé vous sera d'une utilité précieuse pour engager une procédure d'injonction de payer.

#4 - Mettez de l'argent de côté pour pallier les revenus irréguliers

Quand une crise survient, ou une période de creux, ce qui fait souvent la différence entre une entreprise qui surmonte l'écueil et une qui coule, c'est le fait d'avoir de la trésorerie.

D'ailleurs, sur mon blog voyage, c'est l'une des premières choses qu'ait dite mon principal partenaire au sujet de la pandémie de coronavirus : "Nous avons la chance d'avoir fait une levée de fonds et d'avoir de la trésorerie pour surmonter quelques mois d'arrêt d'activité".

Evidemment, les factures, les impôts, l'URSSAF et les loyers ne prennent pas de vacances. D'où l'intérêt d'avoir de l'argent de côté pour affronter les périodes de revenus irréguliers.

Le site Pretto.fr donne ainsi les conseils suivants :

  • Si votre salaire est inférieur à 1 000€, vous épargnerez idéalement 5% de vos revenus.
  • Si vous gagnez entre 1 000 et 1 500€ par mois, cette épargne peut monter à 10%.
  • Si vous gagnez entre 1 500 et 2 000€ par mois, vous avez la possibilité d’épargner 15%.
  • Si vous gagnez entre 2 000 et 3 000€ par mois, vous pourrez épargner 30% de vos revenus.
  • Enfin, les personnes percevant un salaire de plus de 3 000€ par mois peuvent en épargner 35%.

En tant qu'indépendant, on parle bien sûr des revenus nets une fois les charges payées. De tels chiffres sont évidemment à ajuster en fonction de votre situation personnelle (quand on vit dans une grande ville où les loyers sont élevés, ou que l'on élève seul un enfant, on a des frais plus importants que d'autres !).

De manière générale, on m'a toujours conseillé comme "épargne de précaution" d'avoir l'équivalent de 6 mois de charges fixes d'avance, ce qui permet de pallier aux coups durs (perte d'un gros client, impossibilité de travailler pendant une période. Un premier challenge à relever... et non des moindres !

L'épargne, un moyen de lutter contre les revenus irréguliers
L'épargne, un moyen de lutter contre les revenus irréguliers

#5 - Fixez bien le prix de vos prestations

Encore aujourd'hui, je vois beaucoup trop souvent des freelances qui se "sous-vendent" et facturent des tarifs très bas, à moins de 200 euros la journée. Quand on sait qu'il faut retirer au moins 30% pour les charges et impôts, prévoir du temps "non facturable" (car on ne travaille pas à temps plein pour ses clients, on doit aussi faire de la prospection, de l'administratif, etc), anticiper ses périodes de congés (qu'il faut financer !)...

Votre première sécurité est de vous vendre au juste prix, ça limitera l'impact des revenus irréguliers sur votre moral. Fouillez le web pour savoir s'il existe des benchmarks de tarifs dans votre profession, échangez avec d'autres entrepreneurs pour savoir combien ils facturent, tenez compte de votre expérience dans le métier pour ajuster les "tendances du marché".

Le site Malt propose des baromètres de tarifs, voici par exemple celui des consultants en référencement. Gardez en tête qu'il peut y avoir une énorme variabilité, notamment entre des indépendants basés en France et des indépendants basés dans des pays où le coût de la vie est très bas. Multipliez les sources d'information !

On a parfois l'illusion, notamment quand on démarre, qu'en se vendant à petit prix on aura plus d'opportunités de faire ses preuves donc, un jour, de mieux se vendre. C'est une grave erreur :

  • Se vendre à petit prix, c'est aussi donner l'impression que vous êtes corvéable à merci. Mauvais calcul ! En valorisant votre travail, oui, il y a des gens qui ne pourront pas s'offrir vos services... mais ceux qui y mettront le prix auront des raisons de le faire : votre compétence, votre approche, votre créativité. Votre valeur perçue sera plus élevée, donc plus respectée.
  • Les petits prix obligent souvent à multiplier les heures de travail ou la quantité de clients pour "compenser". A la clé : risque de burn-out et multiplication des projets à gérer (c'est plus d'e-mails, plus d'administratif, plus de facturation, etc).
  • En facturant trop bas, vous bridez votre développement futur : si votre tarif est très bas... il vous sera presque impossible de l'augmenter si vous fidélisez vos clients existants. Qui accepterait, du jour au lendemain, de payer le double pour la même prestation ? Et si votre tarif est très bas, que vont dire les clients satisfaits à leur entourage ? "Tu devrais contacter X, elle bosse bien et pas cher". Si ces personnes vous contactent et que vous proposez un tarif plus élevé, elles se sentiront flouées.

Trois bonnes raisons d'assumer des tarifs. Ne raisonnez pas en fonction de "ce que vous pensez que votre client peut payer"... mais en fonction de la valeur qui vous lui apportez.

Freelance : l'importance de bien se vendre
Freelance : l'importance de bien se vendre

#6 - Diversifiez vos sources de revenus

En tant que freelance, il est préférable d'éviter de se reposer sur un seul client. Et la crise économique actuelle causée par le coronavirus nous invite aussi à ne pas nous reposer sur une seule activité ou un seul secteur.

Avoir un portefeuille de clients offre une sécurité financière : s'il y a dans le lot un mauvais payeur, un client qui décide de mettre un terme à son contrat, ça permet de limiter l'impact sur vos revenus. Par conséquent, il y a moins la tentation de "prendre la première opportunité qui se présente" pour combler l'angoisse de "perdre un gros client".

Avoir des clients dans des secteurs différents - quand c'est possible - est aussi un gros atout en cas de crise (même s'il faut avouer que celle que nous connaissons actuellement bride l'investissement dans beaucoup de secteurs !). Avoir plusieurs cordes à son arc aussi.

#7 - Auto entrepreneur et revenus irréguliers ? N'ayez pas peur de prendre un autre emploi

On oppose parfois le statut d'indépendant à celui de salarié, comme si les deux étaient incompatibles. Certains les classent même sur une échelle de valeur, l'indépendance étant le "Graal", le symbole même de la réussite.

Alors forcément, l'idée d'accepter un contrat salarié tout en ayant son entreprise peut faire grincer des dents. Mais si vous traversez une période difficile, ou que vous avez trop souvent des revenus irréguliers qui rendent les fins de mois difficiles, un job d'appoint, temporaire ou à temps partiel, peut être un bon moyen de relever la tête ou de se sentir plus serein au démarrage de son activité.

Un dernier conseil pour finir, qui s'adresse plutôt à ceux qui sont en réflexion autour de la création d'une entreprise : prenez bien le temps de choisir votre statut d'indépendant. Le statut d'auto-entrepreneur n'avait pas vocation à devenir un statut pour une activité "permanente et à temps plein", il s'agissait plutôt au départ d'un statut d'appoint, pour tester un projet d'entrepreneuriat ou avoir une petite activité secondaire sans passer par la complexité administrative de la création d'une entreprise.

Aujourd'hui, beaucoup ont adopté ce statut de manière durable bien qu'en réalité, il ne convienne pas à tout le monde et offre peu de protection.

Retenez en tout cas qu'avec une bonne gestion de vos finances, de votre valeur sur le marché et de vos clients, le sentiment d'instabilité est déjà fortement réduit... et c'est important pour se sentir libre d'aller de l'avant dans son activité.


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2 commentaires sur “Auto entrepreneur et revenus irréguliers : comment gérer l’instabilité financière ?
  • Alexandra

    Coucou Marlėne,
    ton article arrive au bon moment.
    D’ailleurs, tes articles sont toujours très utiles.
    Heureusement que tu es là !

    Je comprends l’importance de ne pas se brader.
    Et de tenir ses comptes. C’est plus rassurant.
    Effectivement, ça permet de savoir où on va.

    Je suis étonnée qu’il n’y ait pas encore de commentaires. C’est rare ! Juste un petit mot, il en manque avant le paragraphe 7. La phrase n’est pas complète.
    Merci et bonne continuation !

    J’oubliais, pourrais-tu parler comment protéger ce qu’on écrit ?

    Répondre à Alexandra
    • Marlène

      Hello Alexandra, je pense malheureusement que les personnes qui n’ont pas pris ce genre de précaution avant une crise en prennent conscience quand c’est « trop tard ». Et difficile d’anticiper quelque chose d’aussi global, durable et « radical » que ce qui se produit en ce moment !

      En revanche, ce que je trouve intéressant, c’est de profiter de l’occasion pour se remettre en question… ou se poser des questions sur son activité, que l’on ait été touché ou pas. Ça rappelle, par exemple, le principe fondamental de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, et pousse à se demander « Si je le fais actuellement, comment pourrais-je me diversifier ».

      Merci pour l’idée de sujet d’article, je note pour plus tard ;)

      Répondre à Marlène


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